18. Argentine du nord – Quebrada Humahuaca

18. Argentine du nord – Quebrada Humahuaca

Mercredi 10 avril. Terminal du bus de Santiago. Démonter en partie les vélos, les protéger au maximum et partir négocier pour qu’ils partent avec nous. C’est pas gagné. Le préposé aux bagages ne veut pas en entendre parler, le chauffeur essaye de nous rassurer en souriant. A 5 minutes du départ, nous avons enfin le feu vert. Flo saute dans la soute et harnache nos montures. Puis c’est parti pour une nuit de bus avec passage de frontière à minuit.

Mendoza. Nous ne ferons pas la tournée des caves, ni même un petit tour sur la place centrale. Notre deuxième bus pour Salta part à midi. Lucas et Marion, que nous avions quitté à El Chalten, passent nous voir avant de sortir de la ville. Nous avons réussi à les rattraper ! En faisant plus de 2000 kilomètres en bus… Ils nous ont préparé des crêpes. C’est top !

Par contre c’est moins bien quand le chauffeur du bus pour Salta ne veut pas de nos vélos dans les soutes. Rien à faire, même si elles sont vides, même si il est bien noté sur le site internet de la compagnie que leurs bus peuvent prendre les vélos, il ne veut rien savoir et nous envoie vers le service de colis. Je monte dans le bus avec les enfants et tous les bagages et laisse Flo avec les quatre vélos en espérant qu’il n’y ait pas d’autres soucis…

Mendoza-Salta. Lignes droites. Maisons en terre, fours en terre, villages déglingues, pampa sèche aux pieds de la cordillère. Les poteaux électriques sont au sol. Soudain Célestin s’interroge “Mais il y a de l’eau ici ? » Des panneaux « Attention, vérifiez le niveau de l’eau avant de traverser ». Traverser quoi, le désert ?

Un monument : carcasses de voitures brûlées, alignements de pneus vers des cabanes également brûlées. Une piste cyclable longe la route sur une cinquantaine de kilomètres. Démarrée au milieu de nul part, elle s’arrête au milieu de nul part. Nous passons plusieurs « péages de sécurité agricole », Célestin :  » On a l’impression de passer pleins de frontières !  » Régulièrement nous apercevons des gauchos à cheval, loin de tout. Dans la nuit, une autre famille française monte dans le bus : Armelle, Fabrice, Zoé et Aglaé qui ont 9 ans. On ira se poser dans la même auberge qu’eux. Parce que c’est plus facile quand on ne sait pas où aller, et surtout pour que les enfants jouent et que les parents aient des copains pour discuter ! Flo a pu envoyer les vélos par camion et prendre le bus du soir, il arrive quelques heures après nous. Les vélos, eux, arriveront dans 3, 4 ou 5 jours…

En attendant, on se balade en ville et on visite des musées en familles. Puis on reprend contact avec Myriam, chez qui nous avions passé quelques jours il y a 12 ans. Dans le salon, une photo de nous avec ses quatre filles. La plus jeune avait 3 ans, aujourd’hui elle en a quinze ! C’est chouette de passer du temps avec Myriam et ses deux dernières filles encore à la maison (pas seulement pour les BD que les enfants dévorent). On apprend, réapprend beaucoup de choses sur la région. On commence à entendre parler des changements opérés depuis l’élection de Milei… Les budgets aux écoles divisés par deux, les programmes de soutien aux petits paysans arrêtés du jour au lendemain, les salariés mis à la porte sans préavis, etc. Les années à venir s’annoncent difficiles…

Les vélos sont arrivés. Bonne nouvelle, ils sont entiers ! Porte-bagage un peu enfoncé, cadre un peu râpé, mais ça va.

pumalin chaiten

Samedi 20 avril. Nous reprenons la route. Myriam nous accompagne sur les premiers kilomètres. Il fait beau, il fait chaud ! Nous montons doucement dans les yungas, passage d’un col et changement radical d’ambiance. La plaine sèche laisse la place à une vallée verdoyante à la végétation foisonnante. Il faut en profiter, ça ne va pas durer. A la nuit tombante, nous avons fait 70km, et les enfants sont encore en forme. Nous nous arrêtons au camping municipal. Il y a plein de dinosaures. Ils partent à la chasse. 23h, ils sont toujours surexcités ! Xabier, un cyclo basque, les regarde en souriant “ils ne sont jamais fatigués ?”. Pas souvent…

Le lendemain matin, les adultes discutent, les enfants sortent leurs lances pierres et repartent à la chasse. Nous partons un peu tard. Il fait chaud, très chaud. Nous ne sommes pas habitués. Une voiture nous double et s’arrête. C’est Leïla, Mathieu et leurs filles croisés au camping aux dauphins à Chaiten il y a un mois. C’est chouette et complètement improbable de les revoir !

Dimanche calme à San Salvador de Jujuy, capitale régionale. Magasins fermés, pas terrible pour les courses, mais jour de match de foot. Les deux plus grandes équipes du pays s’affrontent. Tout le monde est devant un écran. Parfait pour sortir de la ville !

Faux plat montant, impression de coller à la route. Nous longeons un campement militaire, un troupeau de lamas paisse sur la pelouse. Arrivée à Yala. Nous doublons une jeune fille à cheval, goûtons de tortillas au barbecue au bord de la route. Concert à l’entrée du camping. Groupe folklorique puis famille-musicienne en voyage. La jeune chanteuse, 14 ans, chante du rock, les danseurs sortent leurs mouchoirs. Gauchos et femmes en longues robes tournoient avec les gens plus simple. Pas de ségrégation, tout le monde peut faire la danse du mouchoir !

Lundi 22 avril. Départ dans la chaleur. Nous remontons doucement la vallée vers les cactus. Notre route croise à nouveau celle de Leïla et Mathieu qui reviennent à Salta ! Un peu plus de trafic, pas de bas-côté, nous faisons une échappée sur l’ancienne route, Leïla qui tirait la langue dans la montée, retrouve le sourire sur ce bout de ripio !

Pumamarca. Petit village touristique. Ça nous fait tout drôle. Maisons en terre, église au toit de cactus. C’est tranquille. Nous faisons la balade autour de la montagne aux 7 couleurs. Pique-nique sur la place centrale, à l’ombre, au frais, au milieu des piles de tissus et de ponchos.

Sur notre route nous visitons la puesta de los hornillos. Lieu stratégique pour tous les voyageurs descendant ou allant dans les Andes, depuis bien avant les incas, jusqu’au conquistadors qui ont construit ce caravansérail. Le vent de l’après-midi nous pousse, nous décidons de poursuivre jusqu’au MEC, Museo en los cerros.

parc pumalin

Il y a des lieux où l’on se sent bien. Le Museo en los Cerros est de ceux-là. Nous y sommes montés à la nuit tombante, par une piste dont rien ne présageait qu’elle y mènerait… Aucun panneau n’indiquant la direction du musée… Les enfants ont émis bien des doutes en appuyant sur les pédales! Le vent nous a gentiment aidé et soudain, dans la nuit devenue noire, quelques lettres sont apparues : MEC, Museo en los cerros, nous y étions! Impossible de dormir dans l’enceinte du lieu. Nous avons fait demi-tour sur 100m pour planter notre tente dans le lit d’une rivière asséchée, sous le regard d’une lune bien ronde.
Le lendemain, le portail était ouvert et nous sommes entrés dans un lieu hors de notre temps. Un musée consacré à la photographie. Un bâtiment et une muséographie agréables. Une bibliothèque où l’on passerait des heures. Une invitation à prendre le temps d’écouter un compositeur local. Un environnement de cactus et de montagnes colorées. En partant, Célestin nous dit « Si un jour, nous allons vivre à l’étranger, ce pourrait être dans un lieu comme celui-là… »

Mercredi 24 avril. Tilcara. Nous passons à l’office de tourisme. On nous annonce qu’il y a une autre famille à vélo devant nous. Plus tard, on nous annoncera qu’ils sont derrière. Nous ne les verrons jamais.Visite du Pucara, une place forte huamaca puis inca, et du jardin de cactus. A nouveau, nous voulons profiter du vent de l’après-midi qui souffle dans le bon sens. Nous passons le tropique du capricorne de nuit… et partons à la recherche d’un improbable camping caché derrière une épicerie. La vue est belle sur ses hauteurs.

La route poursuit doucement son ascension vers les hauts plateaux boliviens. Le paysage s’ouvre devient plus agricole. Uquia. Visite de l’église qui abrite des tableaux d’archanges avec des arquebuses. Ils ressemblent plutôt à des aristocrates espagnols avec des ailes. Petite balade guidée dans un canyon, ambiance western.

Humahuaca. Journée de pause. Journée musée (on y a vu la photo d’une carte gravée dans la roche!), glaces et lessive !

Samedi 27 avril. Nous continuons de monter. Coup de chaud dans une côte un peu plus pentue que les autres, ou coup d’altitude?

Sur notre route nous croisons de nombreux sanctuaires. Souvent dédiés a San Expedito, patron des voyageurs, mais également à la Difunta Correa, une femme ayant tenté de traverser la pampa nord-argentine. La sécheresse l’a terrassée, on a retrouvé son enfant vivant, tétant toujours son sein pour lutter contre la soif. Il y a aussi le Gauchito Gil. Lui a déserté la guerre contre le Paraguay, ne voulant pas se battre contre ses amis guaranis. Il s’est fait Robin des bois, volant aux riches pour donner aux pauvres. L’armée l’a attrapé. Au juge qui l’a condamné à mort, il lui conseilla de partir très vite auprès de son fils malade. Le juge a sauté sur son cheval, chevauché nuit et jour, a trouvé son fils malade, l’a soigné, et est revenu au plus vite pour annuler la condamnation. Trop tard. Depuis le Gauchito Gil est adulé le long de toutes les routes d’Argentine (en tout cas celles que nous avons parcourues). Aujourd’hui, c’est une autre sorte de sanctuaire que nous découvrons… celui dédié à la mort… Sur la façade, un texte pour accompagner les personnes voyageant dans ces contrées hostiles, sans signature…

De plus en plus de cactus autour de nous, des vigognes au loin. Quelques ânes et chèvres nous regardent passer. Des pistes qui semblent partir vers nul part. Nous arrivons à Azul Pampa. Pas de lac bleu, mais un point d’eau et un terrain de foot abandonné où planter la tente. Horreur, sur le sol des graines bien pointues, mortelles pour nos pneus et matelas… Il faut faire le ménage avant de construire la maison et faire une révision des pneus. Des dizaines de graines y sont plantées… Flo devient livide “on aura jamais assez de rustines pour tout ça!”. Il abandonne, on verra demain pour les roues, et se lance dans la chasse aux graines sous la tente. Par expérience, le mieux dans ce cas, est de faire rouler un melon, mais nous n’avons que des tomates. Alors il prend un vieux matelas mousse pour cueillir nos ennemis. Quand il ressort, la soupe est prête et un magnifique ciel étoilé est apparu au-dessus de nos têtes.

Au réveil, pas de crevaison! Nous repartons en faisant très attention où nous mettons nos roues… Balade et visite de Inca Cueva, une baume abritant des peintures rupestres à 3 kilomètres de la route. Nous cachons les vélos à la vue des voitures et partons sur le sentier qui s’enfonce dans la vallée. Les plus vieux dessins ont plus de 12.000 ans. Ils racontent les lamas, le jaguar, le soleil. Puis viennent la domestication des lamas, les caravanes traversant les Andes, les guerres et les conquistadors, représentés sur les murs avant même leur venue dans la région, ainsi, personne n’a été étonné de les voir arriver. Sur le site, a été trouvée la plus vieille momie d’Amérique du sud, celle que nous avons vu prendre la poussière au musée de Humahuaca. Proche de la baume, un paysage étonnant : des lavognes cachées sur un mini-plateau, un arbre isolé au pied d’une falaise.

Le soir nous arrivons à Tres Cruces. Gros coup de vent de face. Mais que se passe-t-il?? Il est ou le gentil vent de dos ? Les gendarmes nous ouvrent une pièce dans un ancien logement de mineurs aujourd’hui vide. Par manque de minerais, la mine de cuivre a proximité va bientôt fermer. Pratiquement tout le monde est parti. La mine a laissé l’usage des bâtiments aux gendarmes qui contrôlent les voitures arrivant de Bolivie. Ils cherchent, entre autres, les feuilles de coca qui peuvent être vendues et consommées en Argentine, mais ne peuvent ni y être cultivées, ni importées. Quand on voit tout ce qui est vendu sur les marchés, il faut bien que les feuilles arrivent de quelque part… Petit coup d’œil à la météo. Un fort vent de face est annoncé dans 2 jours. Avant, un petit vent de dos matinal peut nous pousser et, si nous appuyons sur les pédales, nous aider a nous réfugier à Tupiza, en Bolivie.

Lundi 29 avril. Réveil à l’heure patagone pour une longue journée dans la puna, la pampa d’altitude. Le vent nous aide davantage que prévu et nous arrivons à faire les 100km, passer le point haut de cette route (3.780m), et rejoindre La Quiaca, ville frontalière. Nous sommes attendus au péage de l’entrée : Jorge, le gendarme qui nous a ouvert la porte la vieille, a prévenu de notre arrivée sur le FB du club de montagne de La Quiaca!

Sur la place centrale, la fille de l’Office de Tourisme sort pour nous proposer son aide. Des gamins viennent discuter et aimeraient bien embarquer Celestino dans leurs jeux, ou partir avec nous ! Des moments très sympathiques pour notre dernière soirée argentine!

17. Carretera Austral 3e partie (Parc Pumalin)

17. Carretera Austral 3e partie (Parc Pumalin)

Jeudi 28 mars. La Carretera Austral passe au milieu du Parc Pumalin. On nous y a promis de jolies balades. Trois jours entre montagnes et volcans couverts d’une végétation abondante. Nous sommes dans l’une des régions les plus arrosées du monde… Trois jours où les prévisions météo vont à nouveau dicter le planning de nos journées. Bon, ce n’est pas très bien parti, premier jour, départ avec une heure de retard… sous le soleil et dans la chaleur ! Mais bien vite, le ciel se couvre et c’est sous un ciel bien gris que nous arrivons au départ de la rando pour le volcan Chaiten. Sur le parking : trois vélos ! Ce sont les Suisses croisés en sortant de Villa O’Higgins, tout au sud de la Carretera Austral ! Ils ont été vers le sud, puis revenus au nord en ferry pour retourner vers le sud. Nous ne sommes pas les seuls à faire des tours et des détours !

Nous attaquons l’ascension du volcan. Sur ses flancs, beaucoup de vert, des fougères géantes, des fuchsias, quelques touches de rose et d’orange. Puis la forêt se fait moins dense, ne reste que quelques troncs brûlés par la nuée ardente de 2008. Nous arrivons au bord de la caldeira. Une montagne lunaire se dresse face à nous. Ce sont les deux cônes du volcan dont des gaz s’échappent des flancs. C’est puissant.

Redescente dans la forêt humide tempérée… elle porte bien son nom, une petite pluie fine se met à tomber… Les enfants galopent, mes genoux rouillés couinent. Le déluge nous tombe dessus en arrivant au parking.

Ce soir grand luxe, nous avons trois options de camping (tous fermés aux véhicules), le premier, conseillé par un garde-parc, il y aurait un abri suffisamment grand pour accueillir notre tente, le deuxième, ce serait le plus beau de la carretera austral, et le troisième que nous n’atteindrions pas avant la nuit. Nous passons le premier, pour arriver au deuxième : des petits abris dans leur cocon privé au bord du lac. C’est très minion, mais il est totalement impossible d’y planter notre tente. Les abris sont trop petits et il n’y a aucun espace autour… Nous faisons demi-tour pour revenir au premier. Un immense camping avec d’immenses pelouses ! La tente ne rentre pas entre les tables sous l’abri, mais il est parfait pour s’étaler et tenter de faire sécher toutes nos affaires, et la pelouse, bien que complètement détrempée, est très bien aussi.

pumalin chaiten

Vendredi 29 mars. La brume se lève avec l’arrivée du soleil. Trois kilomètres de vélos à travers la forêt pour sortir du camping. On nous a parlé d’une source d’eau chaude sur le bord de la route, dans le fossé, au pied d’un arbre penché. Nous la passons avec l’idée de revenir s’y baigner en fin de journée. Séchage de la tente sur le bord de la route et départ à pied pour le lago torneador. Sentier taillé à la machette dans la forêt humide. Les machettes ont aussi taillé des milliers de marches, escaliers à tendance échelles. La pluie arrive plus vite que prévu. Nous passons des gorges étroites, face à des cascades. Toujours plus de fougères et lianes, mousses et lichens. Le lac apparaît, caché en haut de la montagne. La pluie s’intensifie. Dans la descente, le sentier s’est transformé en ruisseau, les marches en piscine. Nous arrivons trempés aux vélos. Vite, direction le camping et ses abris salvateurs ! Il est fermé et vide, nous en profitons pour ne pas respecter les règles : nous campons sur la pelouse (si belle!) et mettons la musique à fond ! Je fais écouter aux enfants, celle qui m’a fait monter bien des côtes. Spécial dédicace à Rodrigo et Grabriela. Lors d’un autre voyage, le son de vos guitares m’a fait grimper les cols plus vite que mon binôme ! Leïla, nous dit qu’elle, quand elle veut nous doubler dans les montées, elle arrête la danseuse, s’assoit sur sa selle, met la vitesse 2 et ziou !

Samedi 30 mars. Lever sous la pluie, départ sous la pluie, balade aux milieux d’arbres millénaires sous la pluie, arrivés au port avec l’arrêt de la pluie. Ouf, c’est plus facile pour trouver des véhicules où mettre nos vélos. Nous avons deux ferrys qui s’enchaînent pour poursuivre la route vers le nord. Entre les deux, 10 km de piste, qui montent puis descendent, pas insurmontables, mais le temps entre les deux bateaux n’est pas suffisant pour les parcourir à vélos. Nous préférons anticiper l’action des employés du ferry et partons à la recherche de pick-up et autres gros véhicules pouvant transporter tout notre barda. Flo dégote deux pick-up et un camion de voyageurs allemands, parfait !

Miracle, nous arrivons sous le soleil à Hornopiren ! Sur la place, une jeune femme nous apostrophe : « vous dormez où ce soir ?  » et la voilà qui nous invite à venir planter la tente dans le jardin de sa mère et à profiter de la douche chaude. Tip, top ! Le lendemain c’est pâques, le lapin Daniela a apporté des œufs aux enfants. Pour les parents, elle a fait tourner la machine à laver et mis les habits dans le séchoir. C’est la fête ! Nous repartons propre et sec (sauf les pieds, parce que j’ai refusé de prendre ses chaussures!).

parc pumalin

Péninsule de Hornopiren. Nous longeons la côte sous le ciel bleu. C’est magnifique ! Dauphins et lions de mer profitent du calme et du soleil. Les chantiers prennent leur temps pour construire les bateaux de pêche en bois. Les vaches broutent tranquillement. Les gens d’ici apprécient leur tranquillité. Ils ne veulent surtout pas d’un travail à horaires fixes comme ceux proposés dans les fermes à saumon. Un peu de pêche, à leur rythme, suffit pour vivre. C’est paisible. La gardienne nous ouvre les portes de la salle paroissiale pour la nuit.


Notre route devait passer par Cochamo, petit paradis pour la randonnée et l’escalade. Nous n’y sommes pas allés lors de notre trajet vers le sud pour cause de pluies diluviennes, nous n’irons pas sur notre route vers le nord pour cause… de pluies diluviennes. Marre de l’eau. C’est acté, nous filons à Puerto Montt et Santiago où nous attendent Jorge et Galia. Il paraît qu’il y fait plus de 30º, un truc de fou !!

Puerto Montt. Le trafic s’intensifie à l’approche de la ville. La route, étroite, longe la côte. Petites maisons en contrebas de la route, coincées entre l’asphalte et le rivage. Heureusement, assez vite nous attrapons la piste cyclable qui nous mène tout droit au terminal de bus ou nous espérons embarquer direction Santiago. En arrivant, une petite famille nous interpelle. La maman s’exclame « je vous ai vu hier sur internet ! ». Cyclo elle aussi, elle est contente de pouvoir présenter à ses enfants des enfants qui pédalent au long cours.

Les bus ne veulent pas de nous ce soir, soit ils sont pleins, soit ils n’ont pas de place pour les vélos. Nous comprenons qu’il ne faut pas suivre les conseils et sauter dans un bus au dernier moment. Nous décidons de réserver des places pour un bus du lendemain soir et nous arriverons tôt pour forcer le passage des vélos en soute. Il fait nuit, mais pour une fois nous ne sommes pas inquiets. Nous savons où dormir, direction l’hôtel où nous étions quelques mois plus tôt.

Journée urbaine en attendant le départ du bus. La pluie nous a rattrapés. Nous filons au terminal pour lui échapper. Flo a le droit d’installer lui-même les vélos en soute. Nous sommes ainsi plus serein.

Mercredi 3 avril. Santiago, arrivée au petit matin. Remonter les vélos. Partir sur les pistes cyclables, étroites mais pratiques. Perdre une pédale. Flo prend mon vélo et poursuit avec une jambe. Je prends le sien. Mais comment fait-il pour rester assis sur cette selle ??

Sur la route, une femme nous arrête : « Je vous ai vu il y a 5 minutes sur internet et vous êtes là ! C’est incroyable ! ».

Arrivée chez Jorge et Galia. Depuis notre passage, une piscine a été creusée dans leur jardin. Mais il a donc fait si chaud ici !! Où étions-nous ces derniers mois ??

Quelques jours chez les amis. Repos, repas, profiter d’eux, maintenance et réparation des vélos. Leïla retrouve Laura avec grand plaisir. Les cloches de pâques passent à nouveau dans le jardin. Et puis il est temps de se replonger dans les cartes, étudier les trajets possibles pour se rendre en Bolivie, se décider pour aller du côté argentin et réserver des bus pour Salta.

15. Massif Cerro Castillo – Traversée de Las Horquetas

15. Massif Cerro Castillo – Traversée de Las Horquetas

J1 – lundi 4 mars. Les enfants sont ravis, la randonnée commence par du stop pour rejoindre le point de départ ! Célestin qui a bien observé les façons de faire, a fabriqué un joli panneau, avec l’espoir de voyager à l’arrière d’un pick-up… Rapidement un premier pick-up s’arrête et nous dépose à mi-chemin, nous pouvons tous monter dans l’habitacle. Puis un deuxième nous emmène à destination. Il y a toujours de la place à l’intérieur… le voyage tap-cul ce sera pour une prochaine fois !

Nous arrivons un peu tard au départ. Un peu tard au vu de la réglementation locale… Interdiction de commencer le sentier après 13h, car les randonneurs n’auraient pas le temps de rejoindre avant la nuit la zone de campement obligatoire. Tant pis, on tente et on se cogne contre le jeune garde à l’entrée du parc. Bien évidemment, il nous dit que nous ne pouvons pas y aller et qu’il vaut mieux que nous campions à l’entrée et entamions la rando le lendemain. « Camper derrière le panneau « interdiction de camper ? », « oui c’est ça », « !?! ». Florent se lance dans une longue session d’amadouage… « C’est vous le chef, on va suivre vos conseils, mais bon quand même, on à l’habitude de marcher, puis au vu de la météo des prochains jours et du vent qui s’annonce, nous avons intérêt à avancer aujourd’hui, mais c’est vous qui nous dites ce que l’on doit faire, mais quand même je suis guide de randonnée et je sais de quoi mes enfants sont capables, bon, mais on va suivre vos conseils… ». Au bout d’une demi-heure, il nous laisse enfin passer. Nous partons assez vite, au cas où il ait subitement des remords et parte à notre poursuite pour nous faire faire demi-tour…

Nous remontons la vallée, pâturages aux tons bruns et oranges, comme brûlés par le soleil, comme une fin d’été… Les vaches, leurs veaux et le taureau nous regardent passer sans bouger. Traversée de rivière. zones marécageuses enherbées, nous entrons dans la forêt pour arriver à la tombée de la nuit à la zone de campement. Just in time !

J2. Nous nous réveillons sous les géants et leurs glaciers. Le sentier pour remonter au col passe par des forêts peuplées d’êtres étranges… longues barbes et masques sur les troncs….

Puis c’est la pierre, partout, dessus, dessous. Le vent souffle sur nous et nous trouvons la neige arrivés en haut. Les enfants se lancent dans des glissades sous le soleil. Pause pique-nique. Le vent forcit, le ciel se couvre, il fait bien fraite tout a coup… Descendre se mettre à l’abri dans la forêt et continuer jusqu’à y camper.

J3. Petite escapade matinale pour aller voir lac d’altitude. Quelques icebergs échappés du glacier flottent tranquillement. Célestin tente les ricochets, Leïla fait son yoga…

Départ pour un autre col, plus haut, vue plongeante sur le lac cerro castillo d’un côté, bleu profond, vallée du village et pampa au loin, de l’autre. Cours de glaciologie pour les enfants : pourquoi il ne faut pas se balader sous les séracs… De l’autre côté, en bas d’une descente bien raide, un panneau met en garde les randonneurs :  » ne pas passer par fort vent « . Ça va, aujourd’hui, nous ne nous sommes pas envolés, juste fait un peu chahuter ! Nous remontons vers notre dernier campement caché dans la forêt. Des dizaines de tentes jaunes occupent les lieux ! Mais que se passe-t-il ? Un mariage forestier ? Une ZAD ? Non, les élèves d’une école de commerce états-unienne venue faire leur séjour survie en Patagonie ! Très gentils, ils ont juste oublié qu’ils n’étaient pas tout seuls et devaient partager cet espace ouvert à tous…

J4. Dernière petite côte ce matin, un aller-retour pour aller voir un dernier petit lac en altitude. Il fait gris, humide. Leïla s’énerve  » Pourquoi on monte si on sait qu’on ne va rien voir ??? « . Pourquoi les enfants posent-ils toujours les bonnes questions… auxquelles nous ne voulons pas répondre….

Descente finale, nous regagnons des degrés. Retour au village, au camping et à la douche chaude !

Le lendemain, jour de pluie, il a neigé sur les sentiers que nous avons parcourus ces derniers jours…

12. Massif du Fitz Roy

12. Massif du Fitz Roy

Dès notre arrivée à El Chalten, nous regardons la météo. Nous le savons, ici il faut savoir profiter des (rares) fenêtres que Zeus est susceptible de nous offrir. La carte nous propose de relier les deux randos que nous voulions faire pour en faire une grande. Sauf que la liaison entre les deux n’est autorisée que dans un seul sens, et bien évidemment pas celui que nous voulions. Ce sera donc deux randos que nous ferons. La météo dicte l’ordre. Nous partons pour le Fitz Roy et le Cerro Torre, ou plus précisément pour le point de vue sur le Fitz Roy et le Cerro Torre, restons humbles… Départ tardif pour monter au camping le plus proche du fameux Mont. Nous sommes les derniers, ou presque, à arriver au milieu de dizaines de tentes. Pendant que nous plantons la nôtre, Leïla et Célestin se lancent dans les grands travaux : construction de table, chaises, bancs et circuit pour courir.

Nous, nous couchons sous un ciel étoilé… pour nous réveiller sous le même ciel étoilé. Petite côtelette nocturne pour arriver en même temps que les premières lumières sur le Fitz Roy. Pas de rose, les nuages dans la plaine empêchant les rayons du soleil de venir réchauffer le rocher. Ça n’en reste pas moins magique !

Ensuite, redescente, suivie d’une traversée pour aller camper au plus près du Cerro Torre cette fois. Nouveau réveil matinal pour lever de soleil à cinq minutes de la tente. Nous avons la chance de pouvoir prendre notre petit déjeuner baignés par une belle lumière orangée face à la montagne préférée de Florent !

Puis c’est la descente finale pour une arrivée dans le vent d’El Chalten ! Nous changeons de rue pour ne pas nous faire fouetter par le sable. Carnage au camping, un paquet de tentes sont complètement en vrac. A nous de trouver une place relativement abritée au milieu de tout ce quilombo…

Deux jours de repos pour laisser passer le vent et la pluie, pour faire la classe et manger des glaces, pour profiter de la salle commune, bondée, du camping. Petit coup d’œil à la ronde,  à nous quatre nous sommes dans la moyenne d’age : 25 ans ! Nous avons même le plaisir de retrouver Amélie, Julien, Anae et Meloe, pour le plus grand bonheur des enfants!

Nouvelle fenêtre météo : nous refaisons les sacs et laissons à nouveau vélos et sacoches chez Mariana qui quelques jours plus tôt nous avait gentiment proposé de garder nos affaires chez elle.

Cette fois nous partons pour le passo d’El Viento, le bien nommé… Il y a douze ans, ce fameux vent ne nous avait pas laissé dépasser le rocher à la sortie du campement, le col était alors resté pour nous un endroit impossible à rejoindre. Cette fois nous y croyons. Nous montons d’un bon pas. Petite pause sur les rochers, craque le pantalon. Célestin se marre en voyant ma culotte léopards. Flo sort le gros scotch gris pour que les félins ne s’échappent pas. Établissement du campement à l’abri dans la forêt. La cabane est toujours là, aussi petite que dans notre souvenir, et manifestement les souris aussi ! Nous plongeons dans nos duvets car une grande journée nous attend.

Pour monter au paso del viento deux passages rigolos, le premier : une tyrolienne. L’épreuve précédente ayant été de louer des baudriers ajustables… dès que nous prononcions le mot  » enfant « , la réponse était  » non « . Même en leur démontrant l’inverse, preuves (légales et pratiques) en direct, c’était  » non, les baudriers ne sont pas faits pour les enfants « . Ils auraient tout aussi bien pu nous dire  » Non, les enfants ne vont pas en montagne « . Flo était donc retourné en boutique le lendemain, sans enfants. Et le voilà maintenant pendu au câble, sa fille entre les jambes, à passer au-dessus du torrent sous les applaudissements de la petite file des randonneurs. Une fois toute la famille de l’autre côté, nous poursuivons notre ascension pour arriver sur un glacier, suffisamment couvert de cailloux pour ne pas craindre les glissades. Leïla est contente ! Elle jalousait son frère depuis qu’elle savait qu’il avait été sur la Mer de glace avant sa naissance. Elle avait bien regardé la carte et avait repéré que nous allions passer près, voir sur des glaciers :  » Maman, regarde, là on peut aller sur le glacier « . Elle enjambe les crevasses sans appréhension et s’amuse avec son frère à jeter des cailloux dans les trous d’eau pour en estimer la profondeur. Nous poursuivons notre montée pour trouver des lacs d’altitude au col et basculer sur le campo de hielo sur, un immense champ de glace alimenté par les précipitations venues du Pacifique. Au fond, d’autres chaînes de montagnes qui semblent loin de toute exploration. C’est magnifique ! Nous restons un long moment devant ce paysage grandiose.

Puis c’est la longue redescente, le glacier, le pierrier et la tyrolienne, en solo pour les enfants cette fois, arrivée au camping et chute d’une dent de Célestin. Il écrit un mot à la petite souris… Au petit déjeuner, c’est au tour de Flo de perdre une dent… Le soir même, il va voir la petite souris du poste de santé, qui lui dit de revenir le lendemain à 7h, heures des urgences. Célestin se tourne vers moi avec un grand sourire « Maman, pour couper le turon, il faut attendre demain 7h… « 

La météo nous annonce à nouveau du vent, de la pluie, que du bonheur, hors de question de reprendre la route tout de suite. Nous profitons des accalmies pour aller nous balader aux pieds des falaises. Le camion de Patagonia est de passage dans le village, nous apportons pantalon et veste à ses couturières pour les faire réparer, parfait! Nous faisons même une petite séance ciné-montagne dans la salle d’escalade du club andino. On se sent presque comme à la maison !

11. De Puerto Natales à El Chalten

11. De Puerto Natales à El Chalten

28 décembre. Départ de Punta Arenas. Un peu chaotique. Ayant déjà fait le trajet Punta Arenas > Puerto Natales dans le bon sens (et au souvenir de la tête des cyclos que nous croisions), nous n’étions pas très motivés pour le refaire dans le mauvais sens. L’option bus nous a paru être la bonne. Nato, pour nous aider, a gentiment contacté un de ses amis transporteurs. Deux d’entre nous pouvaient monter dans le camion avec les vélos et toutes les sacoches tandis que les autres prendraient le bus. Parfait, en plus le chauffeur vient nous chercher au pied de l’immeuble! Départ prévu à 10h. Nous étions fin prêts. 10h30, rien. 11h, rien. 12h, une petite fourgonnette arrive. A peine de la place pour les quatre vélos et pas de siège pour aucun d’entre nous. Hors de question de laisser les vélos tout seuls. Pas par peur du vol, mais de la casse potentielle qui pourrait arriver par inadvertance. Le chauffeur propose de revenir dans l’après-midi avec un camion plus grand. Nous ne comprenons pas tout à l’organisation, pero bueno, on accepte ! L’après-midi passe, pas de nouvelles. Je cours attraper le bus de 17h30 avec les enfants et laisse Flo seul avec vélos et bagages et le risque que finalement aucun camion ne vienne… Mais si, un gros fourgon vide arrive. Perfecto. Mais non, c’est seulement pour rejoindre un entrepôt ou sacoches et vélos sont mis sur un autre gros camion. Flo essaye d’être de tous les côtés à la fois pour que les sangles qui maintiennent le chargement en équilibre n’écrasent pas nos vélos. Il réussit à sauver à peu près tout. De notre côté, nous traversons la pampa en fleur dans notre bus spiderman. Ça y’est c’est le printemps ! Les entrées des estancias se sont colorées de lupins rose, violet, bleu. Nous arrivons dans les lumières du soir à Puerto Natales. Il fait beau, presque chaud. Nous rejoignons la maison de Maria, notre hôte pour les jours à venir. Une fois de plus nous n’avions pas tout compris. Maria est vétérinaire, avant elle habitait dans cette maison où nous allons dormir, aujourd’hui elle vit dans un petit appartement contigu à son cabinet. Deux australiens ont loué une des deux chambres de la maison. Ils devraient arriver vers 22h30. Maria part s’occuper de ses patients poilus. Un camion arrive. C’est Flo! Déchargement des vélos dans la nuit qui tombe. Les Australiens arrivent. Après une semaine de rando, ils ouvrent de grands yeux ronds devant tout ce remue ménage. Quelques minutes plus tard, le calme est revenu, Maria aussi. Notre bazar est dans un coin de la maison et de l’eau chauffe pour tout le monde. Pfou quelle journée ! Il est plus facile de rester sur nos vélos !

1 janvier. Nous reprenons les vélos pour de bon. Direction le parc Torres del Paine. Petit arrêt à la grotte du Milodon, un animal préhistorique dont des ossements ont été retrouvés ici. Cette région a été l’une des plus riches du monde en grands mammifères préhistoriques, avant que tout le monde disparaisse il y a 11.000 ans. Pourquoi ? Sans doute la faute à l’arrivée des êtres humains et à un changement climatique. Après la grotte, fin de l’asphalte. Bonheur de retrouver le ripio, la tôle ondulée, la poussière… Nous nous échappons de la piste pour aller camper sur l’herbe grasse. Les premières étoiles sortent, ça faisait longtemps que nous n’avions pas vu la nuit !

Au matin, retour sur la piste. Beaux paysages sous le soleil, mais la route se fait un peu longue. Flo crève une fois, deux fois. Le pneu a plus de 10 ans, la chambre à air a sans doute plus de 50.000km et déjà 18 réparations. Ceci explique sans doute cela… Il commence à se faire tard, les rivières dessinées sur la carte sont absentes du paysage. Sans eau il nous faut poursuivre. Leïla en a marre des côtes. Elle maudit les ingénieurs chiliens sur 10 générations ! Dans un virage, un petit bout de forêt où se mettre à l’abri du vent. Sauf qu’il n’y a pas d’eau. État des réserves : 1,5l. Tant pis nous nous arrêtons et nous demanderons aux voitures…qui ne passent pas. Un moteur arrive enfin, pas d’eau. Un deuxième, une camionnette qui ravitaille un des hôtels. Il nous laisse quatre petites bouteilles prises sur sa cargaison, davantage ça se verrait. Troisième moteur : un fond de gourde. Nous allons survivre ! Un peu plus tard, quatrième moteur : c’est en fait le troisième qui revient après avoir été faire le plein d’eau pour nous. Tip, top les grimpeurs ! La soirée sera plus tranquille.

Entrée magnifique dans le parc Torres del Paine. Il fait gris, le bleu du lac en est d’autant plus beau. Les fameuses « Cuernas » jouent à cache-cache dans les nuages. Le ripio est difficile, raide, encore. Nous abandonnons l’idée de traverser le parc dans la journée. Pause au premier camping et balade au Cerro Condor. Ça vente fort la-haut ! Célestin s’essaye à la wingsuit immobile : « Une minute ça va, plus longtemps c’est trop difficile ! « .

Traversée du parc dure, dure. Le ripio est difficile, les pentes toujours à la mode chilienne, près de 1000m de dénivelé sur une piste censée longer le lac… Les cuernas sont belles même dans le brouillard, mais ça reste éprouvant. Fin de journée, nous entrons dans l’univers étrange du parc : un centre de bienvenue privé qui ressemble à un terminal de bus de luxe. Déphasage total avec la journée que nous venons de passer ! Au camping; les jeunes nous laissent nous installer sans avoir réservé, ouf ! Les douches sont chaudes, ça fait beaucoup de bien !

5 Janvier. Réveil 6h. Les enfants se lèvent tôt presque sans râler ! Nous avons prévu de faire la rando la plus courue du parc : Mirador Cerro Torre. Nous montons tranquillement, avant l’arrivée des bus. Quelques personnes sont déjà dans la redescente, déçues : les nuages leur ont caché les lumières du lever de soleil sur les Tours. Belle arrivée en haut, au bord du lac. On attend que les tours se découvrent. Le vent pousse les nuages. Les gens arrivent petit à petit. Deux heures après, nous nous retournons, des centaines de personnes sont là ! Et il en arrive encore quand nous attaquons la redescente ! Retour tôt à la tente. C’est agréable de finir la journée à 16h30. Ça laisse le temps de faire la lessive…
A la nuit tombée un chat sauvage se faufile dans le camping. Il nous laisse le suivre.

7 janvier. Belle sortie du parc. Cette fois c’est le soleil qui allume le bleu du lac avec en fond les massifs que nous venons de quitter. Et pour notre bonheur la route est asphaltée ! Quand il y a des travaux, nous avons le droit de rouler sur le bandeau de béton fraîchement tiré. Décidément, on adore ces pistes cyclables! Mais attention, virage et paf le vent fait son retour, en pleine face. Ouch, ça fait mal ! Vite, repas à l’abri dans l’abri-bus ! Allez, on repart. Ouch, pas diminué le vent. Tenir jusqu’au prochain virage, deux kilomètres à serrer les dents. Virage à gauche, vent de côté. Deuxième virage à gauche, vent de dos, Haha, trop cool ! Nous filons jusqu’à Cerro Castillo. Petite pause goûter pour fêter les 3.000 kilomètres et ça y’est nous entrons dans la ville du Far west, ou Far east chilien, ou, enfin, bon, bref, un village soumis aux vents qui fait siffler les fils électriques, s’envoler les sacs de courses et les cyclos un peu endormis. Nous plantons la tente dans le parc à jeux : deux rangées de palissade de 5m et plein d’arbres pour se protéger d’Eole ! Nous dévalisons l’étagère à légumes de l’épicerie : 21 carottes, 4 oignons et 9 oranges.

8 janvier. Nuit dans le vent. Réveil dans le vent. Journée dans le vent. De dos pour passer la frontière. De côte sur le ripio pourri du côté argentin. C’est dur. Leila maudit la terre entière. Une fois l’asphalte retrouvé, elle me dit tout sourire : “Cette fois tu ne peux pas me gronder parce que je mange mes cheveux, c’est la faute au vent!”. Encore deux trois virages avec le vent de côté, et ça y’est nous l’avons de dos. Nous nous envolons, mais il ne faut pas s’arrêter, ça caille trop! Nous passons devant un panneau qui indique une école. C’est toujours étonnant, et rassurant, de voir qu’il y a des écoles partout, même au milieu d’une pampa où nous ne voyons aucune habitation!

Nous nous arrêtons pour la nuit au carrefour Tapi Haike, derrière les bâtiments de la police et du service des routes. Il y a douze ans, nous y avions partagé un asado mémorable avec les travailleurs. Aujourd’hui les visages sont plus fermés, trop de trafic de cyclos? Heureusement il y a toujours de l’eau et de quoi camper à l’abri du vent.

Turrón au dessert, et paf le pouce ! Belle coupure. La gourmandise me perdra… Flo veut me recoudre. Je suis moyennement motivé à l’idée d’être sa première patiente… Du coup il m’envoie au poste de santé le plus proche,  à 80 km, à Esperanza. Une bétaillère s’arrête et m’embarque. La pampa est belle sous les lumières du soir. Mon chauffeur n’est pas bavard, ça me va. Je suis fatiguée et me demande ce que je fais là. Les pensées volent. Esperanza, joli nom. A l’arrivée, hormis la station service, tout semble être fermé, même le poste de santé. Je sonne sans y croire, et miracle, quelqu’un vient m’ouvrir. Un premier gars, puis un deuxième regarde ma coupure, cherche je ne sais quoi dans tous les placards. Un troisième arrive “Excusez-moi, j’étais sous la douche”. Il regarde. Pas de points, zone trop fragile. Argentine 1ère, France 2eme. Haha, vive le foot! Je me retrouve avec un beau gros pansement et merci au revoir. Je tente le stop au carrefour. La nuit tombe. Une seule voiture passe s’en s’arrêter. La nuit se fait noire, le froid arrive. Je vais à la station service et remonte dans une bétaillère, vide cette fois, avec un chauffeur plus loquace, nous discutons de la vie dans la pampa, la vie de famille, politique, le réchaud pour chauffer l’eau du mate bien calé entre nos sièges. Arrivée à minuit trente, Flo m’attend sous un ciel étoilé et dans un vent glacial.

9 janvier. Départ plus tard que souhaité (faute au turron…). Il vente déjà fort. Deux options : un raccourci par un ripio avec vent plutôt favorable ou un détour par l’asphalte avec 80km de vent de dos et 90 de face. On se lance sur la ripio. Enfin on tente. Malgré l’aide du vent, la piste est difficile, très, trop. Le porte bagage avant de Flo casse (Guy, tu aura du boulot  à notre retour!). Le chef regrette notre choix. La petite voix de Leïla de ce matin se faufile dans notre tête : “Mais pourquoi on fait pas le détour? On va tranquille jusqu’à Esperanza et après on fait du stop. Facile!”. Popopopo. On croise un couple de catalan. Malgré le vent de face, ils ont une pêche d’enfer et remontent le moral des troupes en brieffant les enfants sur les pizzas, burgers et glace qu’ils devront réclamer à El Calafate! On arrive à avancer. Le ripio s’améliore, un peu, et le vent nous aide de plus en plus. Les paysages sont magnifiques et grand ouverts. Mais pourquoi cette impression de liberté décuplée ? Il n’y a pas de barbelés! Ça change toute la vision du monde! Le regard va loin. Les condors s’amusent du vent. Nous atteignons notre objectif du jour : un poste de police… abandonné. Quelle idée d’en avoir mis un là ! Ça devait être la punition suprême! Comme souvent de nombreux dessins et mots couvrent les murs. Ici depuis 2017, 2018, 2019. Date de fermeture du poste ou date de développement du voyage à vélo dans ces contrées?

10 janvier. Pas de vent au lever. Ça fait du bien! Le ripio est plutôt bon. Nous avançons bien et rejoignons l’asphalte à 11h, en même temps que le vent qui forcit… Face à nous, un autre bâtiment de la vialidad. Nous décidons de nous arrêter là. Le vent de côté sera trop dangereux l’après-midi. La personne d’astreinte nous laisse nous reposer dans l’immense garage, comme tous les autres cyclos. Nous le sentons blasé des deux roues. L’après-midi, il sort en soufflant avec son bidon d’eau quand il voit 5 cyclos italiens arriver. Drôle d’ambiance. Nous faisons l’école à l’abri du vent. Leila poursuit son cours de géométrie en faisant des bricolages. Flo s’occupe de tous les cyclos qui passent. Les cinq derniers restent dormir comme nous dans le garage. Le cantonnier vient passer un peu de temps avec nous. En cette fin de journée, il est beaucoup plus détendu et souriant! Tout le monde se couche juste avant le démarrage du groupe électrogène. Les ronflements ne risquent pas de couvrir le bruit, mais les yeux se ferment quand même. Il faudra se lever tôt demain pour échapper au vent.

11 janvier. Réveil à 4h30 pour partir à 6h. Le petit monde des cyclos se lève doucement. Les enfants arrivent même à se motiver pour voir le ciel tout rose! Les belges sont les premiers à partir, vers le sud et le ripio. Peu de temps après, nous prenons la route du nord et de l’asphalte. C’est étonnamment calme. Légère brise aidante, pas de circulation. La pampa se réveille tranquillement, se dore au soleil. Les guanacos nous suivent du regard. Le Fitz Roy apparaît au fond. La route se réveille à son tour. Doucement elle aussi. Une voiture après l’autre. Un camion après un bus. Grande descente vers un lac bleu turquoise qui semble posé au milieu du désert. Pause pique-nique à l’oasis près de la rivière. 13h. Toujours pas de vent. Nous décidons de repartir plutôt que de planter la tente. Mal nous en pris. Le vent forci, comme prévu. Mais maintenant il nous faut arriver jusqu’à El Calafate, pas d’abri, pas d’eau avant. Nous arrivons au carrefour de l’aéroport. En plus du goûter, nous mangeons le pique-nique du lendemain pour faire le plein d’énergie et braver les courants aériens sur les 15 kilomètres qu’il nous reste à faire. La famille se met en file indienne, pas un cheveux ne dépasse et nous arrivons enfin en ville! Célestin est fière, c’est notre plus grosse journée : 100km! Bon, mais on espère ne pas en faire trop des comme ça…

El Calafate. Pause de quelques jours. Pauses glaces, au pluriel… Pause glacier, au singulier, le gros, le Perito Moreno. Les enfants sont impressionnés par les séracs qui tombent dans le lac. Eux qui rêvaient de marche sur glace se rendent compte que ce n’est pas si évident… Pause copains. Une famille française arrive au camping, Julien, Amélie et leurs filles Anae et Meloe sont aussi en voyage pour un an, sac au dos, entre Amérique du sud et Asie. Les enfants sont les plus heureux du monde! Ils ne veulent plus partir, mais il nous faut reprendre la route, avec la promesse de se revoir dans quelques jours.

15 janvier. Dernier petit déjeuner collectif, derniers jeux, dernière course de pain. 15h, on enfourche les vélos et c’est le retour dans la pampa. Vent de dos, récompense après l’aller! Nous sommes dans le flux, pas de bruit, pas de froid. Carrefour, virage à gauche et paf le vent. Quelques kilomètres à rouler penchés et pause de la tente au bord de la rivière. Un couple de kayakiste se prépare pour rejoindre l’Atlantique. Des cyclos se sont mis à l’abri du vent derrière des bâtiments abandonnés.

On le sait, pour ces derniers jours avant El Chalten, il va nous falloir jongler avec le vent, viser les points d’eau, trouver les bons abris pour camper. Nous avons tous les mêmes, ou presque. Nous retrouvons Marion et Lucas à la fameuse maison rose, un ancien hôtel abandonné. Ils nous ont rattrapés puis dépassés. Quelques kilomètres plus loin, plein d’eau à l’auberge de la Serena. Ambiance surréaliste, tous les bus touristiques qui vont d’El Calafate à El Chalten s’y arrêtent. Bain de foule avant de retourner dans le désert!

Pédaler contre le vent. Une voiture s’arrête, le chauffeur sort nous prendre en photo. Flo le force à écouter une partie de notre histoire. Il n’en a rien à faire et remonte vite dans sa voiture. Nous sommes devenus nous aussi une attraction touristique, comme les guanacos, bon pour la photo, c’est tout, case cochée.

Nouveau refuge, nouvel abri à cyclos. Il est midi. Ce qui nous attend c’est 90km de vent de face pour rejoindre El Chalten. Grosse flemme. Plus on attend, plus le vent forci. Les cylos passent, s’arrêtent, repartent, vers le sud, grisés par le vent de dos. Nous discutons avec Maxime. Il est sur la route depuis deux ans et demi. Parti d’Alaska, il s’envolera vers l’Afrique après avoir rejoint Ushuaia. Nous sommes claqués du vent, de la lumière, de la sécheresse et El Chalten ne semble plus être le lieu de repos idéalisé, mais serait devenu un village touristique surpeuplé où les tentes se touchent les unes les autres. Nous n’avons pas bougé du refuge. La lune se lève sur un Fitz Roy dénudé. Elle a la tête en bas. A moins que ce ne soit nous?

Lever tôt, le ciel est teinté de rose. Célestin est d’excellente humeur! Les parents voient que le vent souffle toujours… Départ. File indienne. Célestin en oublie de zigzaguer et arrive à tenir la ligne droite derrière son père. Leila “s’accroche” à moi. Midi, rivière. Objectif 1 réussi. Des voitures arrivent, conciliabules de gauchos? Un troupeau de chevaux arrive à son tour. Les deux gars nous expliquent : les chevaux partis le matin de Tres Lagos, à 90km, vont à l’estancia un peu plus loin pour profiter de pâturages plus verdoyants. Il nous propose de camper à l’estancia, à l’abri du vent. Nous nous renseignons sur la suite de la route, l’eau et les abris entre la ferme et El Chalten. Il nous regarde en rigolant : “Après? No hay nada, puro Eol!”. Ok, on sait ou dormir ce soir, on ira pas plus loin cette fois!

Le lendemain, nous prenons la route à 8h. Le vent est déjà là. 2km en 30 minutes. Stop, demi-tour. Retour à l’estancia en 2 minutes… École à l’abri du vent.

Surlendemain, nous prenons la route à 6h. Lever du soleil sur un Fitz Roy tout nu de nuages, il en est tout rose pour dix minutes! Le vent nous laisse avancer, pas trop vite quand même, il faut profiter du paysage. Il y a douze ans nous n’avions rien vu de ce massif alors pris dans la grisaille. Cette fois, nous en prenons plein les yeux! Et ça y’est nous arrivons à El Chalten. Nous avons réussi à faire ces derniers 90km ! Ceux qui vont vers le sud les parcourent en 3h, ceux qui vont vers le nord les font en 2 ou 3 jours… Il ne nous reste plus qu’à trouver une place dans un camping à l’abri du vent…

10. Île Navarino

10. Île Navarino

19 décembre. Ushuaïa. 5h du mat’. Le canal s’éveille et nous avec. Nous rejoignons Igor et son voilier. Il y a aussi sa sœur Olga, et sa compagne Adriana. Hop, hop, nous chargeons sacoches et vélos, sans bruit, pour ne pas réveiller les autres bateaux, et larguons les amars pour la traversée du canal de Beagle dans les lumières matinales. Le mer est d’huile. Igor envoie Célestin et Leila hisser le génois, mais le vent peine à gonfler la voile. C’est doux, c’est calme. Les enfants écoutent les histoires de ce frère et cette sœur nés sur le bateau, qui y ont passé toute leur enfance et aujourd’hui poursuit les navigations dans le grand sud pour l’un et se dédie à la peinture pour l’autre (Allez voir les œuvres d’Olga, on y retrouve toute l’atmosphère de ce grand sud : bely.olga). Célestin, malgré le mal de mer, se met à penser à la prochaine année de voyage que l’on passerait sur un bateau…

Puerto Williams en vue, le Mikalvi est toujours là! Derrière, apparaissent les Dents de Navarino que nous allons parcourir à pied. Formalités d’entrée en territoire chilien, passage chez Denis pour acheter une carte du coin (nous le reconnaissons, lui pas, normal), déclaration de notre départ en rando chez les carabineros, retour au bateau. Igor propose de garder nos vélos. Nous acceptons avec plaisir. Hop, hop, transfert du matos des sacoches dans les sac-a-dos, débarquement du tout, les enfants sont aux rames, et c’est parti pour le fameux tour des Dents de Navarino, la rando “la plus australe du monde” !

Objectif n1 : rejoindre le départ du sentier, par la piste. De là, ce sont entre 3 et 5 jours de rando “engagées” dixit les topos lus. Ce sont surtout les conditions météo qui peuvent rendre les choses difficiles, voire extrêmement difficiles, mais pour une fois, il semble que Zeus soit avec nous, alors on en profite! Nous dormons au départ du sentier.

J1. Nous prenons gentiment de l’altitude dans la forêt avant de rejoindre la crête dénudée du Cerro Bandera, la montagne du drapeau, qui flotte fièrement au vent… Célestin, un peu palot, traîne la patte, Leila avance comme un cabri. Pause pique-nique, un autre randonneur nous rattrape. Il vient fêter ici son anniversaire et ses dix années de trekking. Célestin calcule “moi aussi ça va bientôt faire dix ans que je randonne!”. Charcuterie et fromage aidant, il reprend du poile de la bête, entraîne tout le monde à flanc de montagne, descend dans le pierrier, rattrape le chilien, remonte dans le lit d’un petit torrent pour atteindre un col au-dessus d’un lac… gelé! Alors ça, on ne s’y attendait pas. Un peu de neige oui, mais un lac aussi gelé, pas vraiment. Derrière, au loin, les îles du Cap Horn. C’est beau, ça fait rêver, mais il ne faut pas traîner. Ce n’est pas ici que l’on va camper et il y a quelques névés à traverser. Les enfants chaussent leurs baskets à neige et c’est reparti, jusqu’à un lac où nous sommes censés trouver un endroit abrité du vent. Heureusement, ici les buissons sont plus hauts que dans la pampa, ça aide, car le vent fait même voler l’eau du lac !

Nous fêtons le solstice d’été en doudoune sous une nuit bien ensoleillée!

J2. Petit colu pour rejoindre un autre lac, ou plutôt des lacs. Certains naturels, d’autres artificiels, construits… par les castors! Ces animaux introduits ici il y a quelques dizaines d’années se sont multipliés et ont modifié le paysage à leur sauce. Ces grands bâtisseurs ont transformé les vallées en une succession de lacs en terrasses. C’est impressionnant. Le sentier en emprunte même les rives faites de branches et de terre.

Fin de journée. Nous arrivons au campement d’un petit groupe. Discussion avec la guide et un des porteurs. Le lendemain, la météo annoncée n’est pas top. Il nous reste un col à passer et surtout une descente bien raide dans un pierrier. Les enfants sont en forme, les journées sont longues, nous décidons de poursuivre. Le sentier se perd au millier des lacs de castors. La montée est douce, mais longue. Ça ne ressemble à rien de ce que laissaient imaginer les cartes : un immense plateau caillouteux, lunaire, pour arriver en haut du fameux pierrier. Et effectivement, c’est raide! Nous avons le choix : option neige ou option cailloux. Faute de ski, nous optons pour les cailloux. Les enfants chaussent leurs baskets renforcées et découvrent le ski sur pierrier. Ils adorent! Nous longeons le dernier lac en contrebas pour aller chercher un abri derrière les buissons.

J3. Descente finale. Nous nous enfonçons dans la forêt, sautons des torrents. Le sentier se perd entre les arbres, dans les broussailles, se referme, devient humide, très humide, franchement boueux. Flo, avec sa boussole intégrée, ne perd jamais le nord, malgré les arbres tombés et la sente qui a un peu trop tendance à finir au milieu des bartasses bien épaisses. Ouf, on sort enfin du bush! Face à la mer, et contre toute attente sous le soleil!

Pique-nique au bord de la piste. Trois porteurs arrivent. Les enfants rigolent : il y a celui qui se met en calbute pour profiter du soleil et celui qui se met tout habillé dans son duvet pour faire la sieste…au soleil! Belle image de la météo dans ces contrées.

Un pick-up arrive, nous montons dedans pour rejoindre Puerto Williams et s’éviter les huit kilomètres retour.

Le voilier n’a pas bougé. Nous récupérons sacoches et vélos, faisons la bascule rando>vélo, et partons pour un beau lieu de bivouac recommandé par Igor : une petite clairière à l’abri du vent, sans doute utilisée en son temps par les yaganes et leurs huttes.

23 décembre. Nous quittons l’île en ferry pour attaquer notre remontée vers le nord et rejoindre Punta Arenas. Arrivée prévu le lendemain, 24 décembre, à minuit. L’équipage est pressé. Le bateau largue les amars une heure plus tôt que prévu. Demi-tour, il manque deux passagers! Nous repartons. Ambiance sympathique sur ce ferry, seul moyen de rejoindre le continent par voie terrestre. Quelques touristes, comme nous, au milieu des locaux qui profitent de billets pas chers pour rejoindre le continent, la famille, ou encore des services de santé absents de l’île. Repas à la cantine, les plateaux vibrent fort sur les tables proches des moteurs. Chacun s’installe pour la nuit, profite des places libres pour s’étendre sur deux sièges au lieu de l’unique réservé. Le bateau passe au milieu des fjords, longe des glaciers qui tombent dans l’eau. Les albatros jouent du vent dans les lumières marines, phoques et dauphins s’amusent des vagues. Le capitaine met le plein régime, change un peu l’itinéraire habituel pour raccourcir le trajet. Nous entrons dans le détroit de Magellan. Les nuages sont toujours aussi beaux.

Punta Arenas, nous arrivons avec quatre heures d’avance. Le débarquement est efficace!

Nato, parti fêter noël en famille, nous a laissé les clefs de chez lui. C’est juste parfait. Le père noël connaît même l’adresse de notre résidence ponctuelle! Les enfants sont heureux de ce qu’ils trouvent au pied du sapin : une canne à pêche pour Célestin (depuis le temps qu’il en rêvait!), un béret de gaucho pour Leila (“le prochain voyage, sera à cheval!”, oups, c’était pas prévu ça !), et des dizaines de livres à mettre sur la liseuse (nous avons de vrais boulimiques de la lecture avec nous, désormais ils râlent quand les livres ne font que 150 pages!).

6. Petit tour en Argentine

6. Petit tour en Argentine

21 octobre. Premier jour en Argentine. Anniversaire de Leïla. Nous lui avons promis des thermes pour son anniversaire. Sauvages cette fois. Bon, il va falloir grimper sur une piste de ripio. Ça va pas être facile, mais ça vaut le coup. Motivés à bloc, nous attaquons la côte en pleine chaleur de l’après-midi (oui ça existe!!) et paf : une barrière. La piste est fermée. Flo va se renseigner à la ferme que nous venons de passer. Oui, il y a une barrière, mais ça passe, pas de problème. Une voiture arrive. C’est un garde. Non, ça ne passe pas. Il y a des travaux, des arbres qui peuvent tomber, des études de la faune et de la flore. Nous ne savons pas trop qui des ouvriers ou des animaux il ne faut pas déranger, mais en résumé, ça ne passe pas. Pour nous changer les idées, il nous indique un camping au bord du lac et la balade à la cascade. Célestin lui en veut à mort ! Il en fera des caricatures pour exorciser son mécontentement ! A la fin de la journée, les enfants concluent que c’était tout de même un anniversaire de luxe : le camping au bord du lac (rien d’autre qu’un grand champ, mais dans un petit écrin), le repas demandé par Leïla (purée mousseline et gâteau, facile), des bougies (jusqu’au dernier moment, elle a cru que ses parents aller une nouvelle fois botter en touche en arguant que « désolé, mais tu sais c’est compliqué, on fera mieux l’année prochaine… « ) et même des cadeaux. Alors là « les parents, ils ont complètement craqué, un « immense » cerf-volant et deux doudous ! « . Et nous avons même réussi à capter un bout de réseaux chilien pour recevoir la vidéo du pote Félix. Le comble du bonheur !

Nous sommes bien ici. État des lieux des réserves, c’est bon nous pouvons rester une journée de plus. Les moutons nous rendent visite le matin, une vache et son veau assistent à la leçon du jour (car oui, ne l’oublions pas, nous suivons – tentons de suivre – le programme scolaire). Petite douche avec l’eau de la rivière réchauffée au soleil. Célestin part aux toilettes de l’autre côté de la petite plaine. 5 minutes, 10 minutes, 20 minutes, personne. Ça commence à faire long pour sa séance de méditation quotidienne. Flo va voir ce qu’il se passe. Célestin n’ose pas sortir de l’algeco, des oiseaux lui crient dessus. Flo se fait attaquer à son tour par une dizaine de volatiles. Il court se réfugier avec Célestin. A deux, ils reprennent courage. Sortir, traverser la plaine en courant, se protéger la tête avec les mains. Ouf, ils sont passés! Ça fait un moment que ces oiseaux nous cassent les oreilles au bord de la route. On leur trouvait bien un regard fourbe, mais jusqu’à maintenant ils ne nous avaient pas attaqué. Désormais, nous allons nous méfier, il paraît qu’ils ont même des griffes à la pliures des ailes, soit disant pour protéger leur nid…

Il nous faut quitter notre petit coin de paradis. Reprendre la route. Rejoindre les épiceries de San Martin de los Andes. C’est plus facile qu’au Chili. Les pentes sont moins raides. Les adultes ont enfin l’impression d’avancer. Les enfants trouvent ça ennuyant. Ils en ont marre, marre, marre. Leïla a mal aux mains. Célestin râle, même s’il avance très bien. Quand nous nous arrêtons le soir, toute fatigue apparente disparaît et il faut les appeler à plusieurs reprises pour qu’ils quittent leur chantier du jour et viennent manger !

A San Martin, nous faisons enfin la connaissance de Marion, Gabriel, Youlah et Polyme. Comme nous, ils sont partis de Santiago pour un an de vélo en Amérique du sud. Cela fait plusieurs semaines que nous entendons parler d’eux, que l’on suit plus ou moins la même route, que l’on se dépasse, se rattrape, sans jamais être au même endroit au même moment. Mais ça y’est on peut enfin se raconter nos histoires de cyclos autour d’une glace et d’un bon plat de pâtes !

Nous partons sur la route des 7 lacs, version argentine cette fois. Bien plus connue. La pente est douce. Nous avalons les 5oo mètres de dénivelé goudronné. Leïla de s’exclamer « c’est ça la grande cote, mais c’est rien du tout !! « . Nous passons de lacs en lacs. Les montagnes enneigées nous dominent. Le ciel se couvre, le froid arrive… Lever tôt ce deuxième jour afin d’éviter au maximum les 70km/h de vent de face et la pluie sur les 50km qu’il nous reste pour rejoindre Villa la Angustura. Objectif n°1 réussi : plier la tente au sec. Objectif n°2 : abandonné au bout d’une demi-heure. La pluie se fait de plus en plus présente. J’enfile vite mon pantalon de pluie. Les enfants ont été équipés dès le lever. Les chaussures sont vite trempées, les gants également. Le froid se faufile partout. Dans les descentes, nous regrettons les côtes. Pause pour se réchauffer. Courir, ne pas s’arrêter. Pas d’abri. Rester en mouvement. C’est dur. Ça craque. Ça avance. Patator. Un renard gris nous regarde. Pas de pique-nique avant la ville. Pas un membre de l’équipe n’a envie de s’arrêter dans ces conditions. Des téléphones nous filment. Extraterrestres pas vraiment amphibies. Garder l’énergie, le morale, pour un, deux, trois, quatre. On court, on pédale. Même dans les descentes. Ça fait circuler le sang (t’y crois vraiment à ces bobards !?!). [A noter dans la liste des choses à faire : récupérer des textes de chansons et les apprendre pour se donner du courage, Hissez les voiles !]. Dernière descente sur la ville. Les patins sont à bout. Les freins ne répondent plus. Il faut tirer sur le câble [A noter : apprendre à faire du vélo sans les mains (sur le guidon)]. Ouf, ça y’est c’est plat. Tournée des auberges, tout est complet. Il pleut toujours. Errance au milieu des chocolateries et location de ski et vtt. Appart’hôtel? On prend ! Objectif n°3 atteint : arrivée avant midi, enfin avant le repas de midi, et avant la tempête, la vraie. Les enfants ont vite retrouvé la forme avec les degrés. Ils sont prêts à repartir pour 50 nouveaux kilomètres avant le soir ! Mais non, nous nous octroyons un ou deux jours de pause pour organiser nos petites vacances : des vacances sans vélos à la recherche du soleil, une escapade du côté de l’Atlantique pour aller voir les baleines et faire de la rando dans les alentours de Bariloche.

Dimanche, réveil sous la neige ! Rejoindre la gare routière avec dix centimètres de neige humide devient épique. Nos vélos ne sont pas vraiment faits pour ça. Eux aussi avaient pris l’option maillots de bain ! Le col frontalier Samore est fermé. Les chiliens venus passer le week-end en Argentine sont bloqués ici. C’est la ruée vers les hébergements. A peine sommes-nous sortis du nôtre qu’une famille prend notre place. Demi-tour impossible. Heureusement la jeune femme de la gare routiere ne prend pas peur en nous voyant arriver. Elle nous accueille à bras ouverts et gardera nos vélos aussi longtemps que durera notre escapade. Elle rigole même en voyant la flaque s’agrandir sous nos bécanes. Nous filons à Bariloche où nous passons la nuit au Cinerama. Ombres et lumières, les enfants se prennent pour des réalisateurs avec les lampes de chevet.

Nous avons une journée avant de prendre le bus de nuit pour rejoindre la côte atlantique. Sur le toit de la maison du parc une banderole nous interpelle “Les gardes-parc ne sont pas responsables des intemperies”. Quelques heures plus tard, l’explication nous sera donnée par des gardes en grève. Il y a quelques années deux jeunes ont campé ou se sont baladés un jour de tempête. Une branche leur est tombé dessus. Accident malheureux. Famille, Etat, assurances, les premiers ont finalement reconnus que le parc ne pouvait être tenu pour responsable. Les derniers sans doute pas. En tout cas, un troisième procès doit se tenir pour décider de la responsabilité des gardes en charge du secteur…

Fin d’après-midi, nous prenons le bus. Quinze heures pour traverser le pays d’ouest en est. La pampa enneigée est magnifique sous les lumières du soir.

Puerto Madryn. L’océan. Grand soleil. Nous ne sortons pas les maillots de bain, mais tout ceci nous réchauffe bien. Péninsule Valdez. Un lieu qui nous a longtemps fait rêver. On nous l’a souvent décrit comme le paradis des animaux marins. Leila a laissé son doudou-baleine dans son lit à la maison. Nous l’emmenons voir des vraies. Nous voyons les premières depuis la plage puis nous embarquons pour aller les voir de plus près. Touristes parmi les touristes, ça reste magique. Ballet de cétacés, pas de deux, sauts et frappes de la nageoire en rythme. Nos petits d’hommes ont les yeux écarquillés, les parents ne sont pas en reste ! Sur la plage règnent les lions de mer. Ils ont gros, ont l’air patauds, et pourtant quelle agilité quand il s’agit de sortir de l’eau et grimper les rochers. Les mâles sont moins gracieux lorsqu’ils se laissent tomber au milieu des femelles. Pousse-toi de la que je m’y mette. On irait bien leur tirer les moustaches à ces machos à crinières ! A quelques kilomètres ce sont les éléphants de mer qui prennent un bain de soleil. Alors eux, ils ont vraiment une sale tête et avec leurs toutes petites pattes avant ils ont pas l’air bien dégourdis. D’ailleurs c’est à peine si ils bougent un orteil quand la marée monte. Il y a aussi quelques manchots de magellan. Ils semblent un peu perdus. Est-ce que les autres ne sont pas arrivés ? Déjà repartis ? On dirait presque des automates posés devant les panneaux. Dans la lumière du soir, une ile, l’ile aux oiseaux, sa forme aurait inspiré à Saint-Exupery son dessin du chapeau-éléphant dans Le Petit Prince.

Retour à Bariloche. Enfin nous voyons les montagnes autour du lac. Pas mal la vue depuis le skate-parc et le pump-track !

Nous partons en balade avec Eugenia et Liliana. Jolie entrée dans le massif. Au retour de rando, Liliana nous fait goûter le maté. Même sucré ça reste trop amer pour les enfants qui ne peuvent s’empêcher de faire la grimace. Le mari de Liliana est géologue, il nous sort une toute petite partie de sa collection : feuilles, arbres et graines fossilisées, pointes de flèches et de lances, boules de chasse, outils pour tanner, etc. Les enfants courts dehors tailler les cailloux !

Le lendemain, on écoute la météo et… on monte au bistrot ! Direction le refuge Frey. Au bout de quelques kilomètres, Célestin nous demande “Lequel de vous deux a eu l’idée de se balader sous la pluie ??”. Allez mon gars, en haut il y aura de la neige. Et de fait, arrivée au col et au lac, dans la neige et le vent. C’est chouette cette ambiance de presque haute montagne, ces roches qui nous surplombent, mais des aiguilles nous n’en verrons que la base…

Retour en bus à Villa la Angostura. Les vélos n’ont pas bougé. Le temps de vider les sacs à dos dans les sacoches et c’est parti pour les courses. Une famille de cyclos déjeune : deux tandem-pinos avec enfants de 5 et 9 ans. Ils viennent de Grande-Bretagne, sont partis de Santiago et vont vers le sud. Tiens, tiens.

Superbe journée pour reprendre les vélos direction le col et passage frontalier Samore. Nous découvrons tout ce que nous n’avons pas vu à l’aller : lacs, montagnes, rivières. Leila : “Il reste 20km, facile c’est juste 10+10 !”. Les enfants partent devant. Vont-ils nous attendre au col ? Les paysages s’ouvrent. La forêt est brûlée, pétrifiée par les éruptions volcaniques du siècle dernier. Désert de cendre. Au col, des gens arrivent à ski de rando. Ils nous l’avouent, il ne reste plus beaucoup de neige. Ouf!

Retrouvaille au poste frontière. Tant du côté argentin que chilien, nous retrouvons les douanières du paso Huahum !

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