3. De Santiago à Concepción, de la vallée centrale au Pacifique

3. De Santiago à Concepción, de la vallée centrale au Pacifique

Autant l’avouer tout de suite, les deux premières semaines de vélo au Chili n’ont pas été des plus plaisantes. Dure, dure, la route rythmée par le bruit des voitures et les aboiements de chiens. On reste perplexe quand la piste cyclables termine sur l’autoroute, mais on sourit en voyant le nom du pont qu’il nous faut alors traverser : « Peor es nada « ! Tout va bien !

Quand la pluie s‘y met, c’est un peu la déprime sur la route qui mène à l’océan Pacifique… Leïla tombe alors qu’elle est accrochée à Florent. Leïla pleure. Leïla se relève. Leïla est forte. Deux minutes plus tard, elle repart. C’est sans doute la plus forte d’entre nous !

Nous traversons des villages ravagés par les inondations des dernières semaines. Le fleuve est monté haut, déposant des tonnes de limon dans les champs, les rues, les maisons, emportant des parties de route. La terre n’a pas encore réussi à absorber toute l’eau tombée, tout est détrempé, encore inondé.

Fin de journée à Hualañe. Épreuve du supermarché, j’ai la tête qui tourne devant les fromages qui se ressemblent tous. Chanco, gouda, quesillo, mon œil novice  n’arrive pas à en choisir un !  Un repère comme un phare rassurant : le marchand de fruit et légumes. La nuit tombe, oú dormir ? Depuis le début, la campagne n’est pas propice au camping : tout est fermé, grillagé, barbelé, cadenassé, les maisons, les champs, les forêts, même les réserves naturelles ! Lors d’une balade dans un parc dans les hauteurs de Santiago, Célestin de s’exclamer « Tiens la porte de la nature ! » et Leïla d’ajouter « Mais, si ils mettent des grillages pour protéger les animaux, comment ils peuvent sortir du coup ? ». A Hualañe, la nuit tombe, hostal et hosteria sont fermées, oú aller ? Nous allons rendre visite aux pompiers. Nous ne pouvons pas dormir á la caserne, il n’y a personne cette nuit. La jeune de garde nous propose de profiter d’une pièce vide chez sa tante. Finalement nous partagerons avec elle le grenier de son père. Toute la famille part faire la fête après nous avoir fait des lits biens chauds !

A l’inverse de toutes ces barrières, les chiliens nous ouvrent grand leurs portes ! Est-ce le froid ? la pluie ? la présence des enfants ? notre bonne étoile ? plus surement et tout simplement leur gentillesse. Un soir, dans la cuisine d’une vieille et belle maison de ferme,  Célestin me demande tout bas « Combien de temps on reste au Chili ? « Quelques mois. » « Super ! Ici il y a toujours de grandes tables avec plein de choses à manger ! » (Spéciale dédicace à Jorge et Gallia 😉 )

C’est dimanche. Moins de circulation, c’est plus agréable. Crachin breton qui mouille pas mal. Pause de midi dans une école désaffectée. C’est déglingue, mais il y a des jeux pour se faire les muscles, comme dans pratiquement tous les villages. Les enfants adorent ! On dirait que rien ne les surprends. Ils s’adaptent à tout sans se poser de question, dorment n’importent oú. Ils sont heureux même sous la pluie et dans la boue ! Sans nul doute parce qu’ils vivent l’instant présents. Ils n’ont pas froid (vive les doudounes et les pantalons de pluie), n’ont pas faim (toujours avoir du patatores dans ses sacoches) et ne se préoccupent pas de la route à prendre, ni de là oú l’on va dormir (« Vous savez pas oú camper, bin, on va demander! »).

Des dunes noires nous annoncent l’océan. Les enfants, sachant qu’ils ne pourront pas profiter des pentes de l’aigle cet hiver, tentent de les descendre en luge de cartons ! Échec. Mais belles rigolades!

Atteindre l’océan nous fait du bien. On découvre un camping sur la plage mis a disposition par la municipalité de la Trinchera : de beaux abris aux couleurs des oiseaux d’ici, avec un point d’eau. Des tables et bancs à l’abri du soleil et de la pluie, un platelage bois pour les tentes : pas très pratique pour nous. On s’installe sur les bancs, on bouche les espaces entre les planches des  trois « murs » pour lutter contre le vent. Nuit bercée par la pluie qui tombe. Le vent tourne, ouille, est-ce que les duvets vont se mouiller ? Flemme de bouger, je me laisse bercer.

11 septembre, c’est l’anniversaire du coup d’état de Pinochet. L’occasion d’évoquer avec les enfants les dictatures, les disparitions forcées, et surtout l’importance de se battre pour que tous, de part le monde, nous ayons notre liberté de penser et de nous exprimer.

Les routes le long de la côte ne sont jamais plates, pas davantage la côte chilienne que la côte normande, au milieu du bal des grumiers c’est rude ! « Pourquoi les arbres sont en ligne ? » « C’est ainsi que l’on fait vivre les arbres ici… ». Des hectares et des hectares de pins et d’eucalyptus, bien rangés, bien barricadés. Ça monte et ça descend sec. Les enfants assurent ! Aujourd’hui, premier vrai camping « sauvage » au bord de la rivière. Au moment de se coucher : « Célestin, c’est toi qui a planté le bâton ? » « Oui, mais il est dans l’eau, je l’avais pas mis dans l’eau ! » « … ». Nous couchons les enfants. L’eau monte. La rivière coule toujours dans le même sens. L’eau monte encore. Quand atteint-on le point critique de l’évacuation ? Est-ce que ça peut être la marée ? Personne à qui demander. Les maisons sont éclairées, les télé allumées, mais pas âmes qui vivent. A-t-il plu plus haut ? D’après la carte, le bassin versant n’est pas trop important, donc peu de risque de débordement au vue des dernières pluies de ce côté là. L’eau monte encore. Un peu inquiets, on range toutes les affaires possibles sans réveiller les enfants… Une vague arrive de l’estuaire, c’est donc bien la marée qui monte ! Heu, mais jusqu’où ?? Les dernières traces laissent penser qu’elle va monter sur une bonne partie de la piste, mais que la tente devrait rester au sec. On re-déplie les matelas. Les enfants dorment toujours. Nous gardons un œil et une oreille ouverts… C’est que se réveiller au milieu d’un fleuve sorti de son lit, nous connaissons. Il y a quelques années, le Baker, le fleuve du Chili au plus gros débit. Un barrage naturel avait rompu en amont. Profondément endormis nous n’avions pas entendu l’eau monter et nous nous étions réveillés au son d’un joli clapotis. L’eau nous entourait de toute part, au ras de la tente ! Il s’en était alors fallut de peu… Au réveil, les enfants s´’étonnent « l’eau, elle est montée, il faut partir ! » « Humhum, laissez-nous dormir… ».

Pour s´éviter le trafic et profiter des belles vues sur l’océan, nous partons sur les pistes. Ouch. C’est pire ! Des pentes à  plus de 25% ! On n’a jamais vu ça ! Les enfants sont sur les pédales. Leïla est tirée par Flo quand c’est difficile, puis seule quand ça devient trop difficile ! Célestin : « Mon poids en sandwich pour avoir grimpé cette côte! »,  » J’espère qu’après ils nous récompensent par une descente ! ». Les enfants inventent des mots « Quel est l’âne qui a construit cette route ? » « Un anio = un âne idiot! ». La journée est récompensée par quelques belles descentes, mais si abruptes qu’elles ne sont pas vraiment reposantes ! La vraie médaille : un magnifique bivouac à l’aplomb de l’océan, coucher de soleil à l’abri du vent. Et ça, ça vaut bien toutes les côtes du monde !

Journée de folie pour rejoindre Concepción, seconde ville du Chili. Encore quelques kilomètres de ripio bien raide avant de retrouver l’asphalte, puis route bien circulée de Dichento à Temo. Ensuite sur les recommandations des locaux (et contre l’avis de Léo, notre contact à Conce), nous prenons la route alternative : une ancienne voie ferrée abandonnée de la côte. Au début tout va bien, c’est plat, pas de voiture. Puis ça se complique quand flaques et boue prennent de plus en plus de place, un peu plus quand il faut passer sur ou à travers des arbres tombés lors des dernières tempêtes et vraiment, quand tout simplement la piste, après un tunnel obscure, devient sentier étroit avec ballaste et traverses sous les pieds. Heureusement le paysages est beau sous le soleil!  Retour à la civilisation en arrivant au port de Lirquen et nouveau départ sur les routes alternatives : une piste qui traverse une zone humide protégé… une piste bien inondée ! Pour s’éviter la baignade, on monte sur la voie ferrée, en état de marche cette fois. Des promeneurs du soir nous rassurent : ça ne passe que de temps en temps, le dernier train date d’il y a une demi-heure… On avance vite, un œil devant, un œil derrière. Retour sur la piste, la nuit tombe peu à peu. Célestin me chuchote avec un petit sourire « je n’ai jamais vu papa aussi pressé ». Il faut dire qu’entrer dans une grande ville par les faubourgs déglingues, au milieu des chiens, n’est jamais agréables, encore moins de nuit, pas plus que la 2×2 voies qu’il nous faut prendre… Heureusement, il y a une bande d’arrêt d’urgence et un échappatoire rapide. Enfin nous arrivons ! Léo, Nicolas et Daniela nous accueillent à bras ouverts. Simon et Ronja ont préparé un grand repas. Ayant pris les mêmes chemins quelques jours avant, ils se doutaient de l’état de nos estomacs ! Merci à tous !!!

2. Santiago !

2. Santiago !

Cap au sud ! heu, non, à l’ouest !

Vol de nuit. Nous quittons la France sous l’œil rassurant de la pleine lune. Elle va nous accompagner une bonne partie du trajet, baignant d’une lumière magique la côte et l’océan. Nous ne pouvions rêver plus beau cadeau de départ ! Le survol des Andes est tout aussi extraordinaire.

Nos amis Jorge et Gallia nous attendent à notre arrivée à Santiago. Plaisir des retrouvailles. Ils n’ont pas changé. Seul le petit Santiago de Grenoble a bien grandi et nous faisons la connaissance de la grande Laura.

Choc thermique. C’est la fin de l’hiver ici, nous l’avions oublié (occulté ?). Ce n’est pas que les températures soient extrêmement basses, mais il fait gris et humide. Tous ensemble nous allons chercher le soleil et les couleurs à Valparaiso. C’est beau ! Au retour à Santiago, nouvelle plongée dans les cartes, la météo… Nous pensions aller rapidement dans le sud en bus, mais il y a encore pas mal de neige á moyenne altitude, nous mettrons donc le cap l’ouest direction l’océan.

Demain, premiers coups de pédales sur les routes chiliennes !

1. Départ indéterminé…

1. Départ indéterminé…

Tout départ finit par arriver à qui sait attendre !

Quand est-ce qu’on part ? Où est-ce qu’on va ? Les questions les plus posées par les enfants ces deux derniers mois… Si les grandes lignes de cette année un peu particulière étaient tracées depuis longtemps (Bolivie, Chili Argentine, á naviguer le long des Andes), entrer dans le vif du sujet a été un peu plus compliqué. Comme lors de notre précèdent long voyage, nous ne voulions pas prendre l’avion, mais le bateau pour rejoindre le continent sud-américain. Malheureusement, en 10 ans, il n’y pas que nous qui avons changé ! Ce qui nous paraissait couteux, mais simple : prendre un cargo entre l’Europe et Buenos-Aires n’est plus possible. Depuis le Covid, les compagnies ne s’embêtent plus à prendre des passagers sur ce trajet. Les bateaux de croisières, ces monstres touristiques, font la transatlantique Nord>Sud en novembre et Sud>Nord en avril, pas dans notre calendrier. Quant à faire du bateau-stop sur des voiliers, là aussi nous ne sommes pas vraiment raccord avec les saisons. De plus nous sommes quatre dont deux enfants et peu de bateaux vont directement de l’Europe au sud de l’Amérique du sud. Le trajet classique étant plutôt : Europe > Canaries > Cap Vert > Caraïbes. Dernière piste explorée : les cargos à la voile. Mais idem, pour le moment ils vont surtout chercher rhum, café et cacao dans les caraïbes. Bref, il a fallu prendre la terrible décision de prendre l’avion. Et là, le champ des possibles s’est ouvert ! Peut-être un peu trop pour nos petites têtes ! Où arriver ? Au nord ? Au sud ? A l’est ? A l’ouest ? Et de nous rappeler, il y a dix ans, les dénivelés pour grimper sur l’Altiplano, Torres del Paine, sud de la Patagonie en avril, la tente givrée, les pieds gelés qui ne rentrent plus dans les chaussures, le Salar d’Uyuni, pédaler dans 20 cm d’eau saumâtre. Si tout ca fait bien rire les enfants, ce n’est pas certain qu’ils aient envi de le vivre pour de vrai… Alors on se replonge dans les cartes, la météo, les calendriers. Et nous finissons par nous décider : ce sera un départ depuis Paris pour une arrivée à Santiago, d’où nous partirons vers le sud le long de la cordillère des Andes jusqu’au sud de la Patagonie avant de remonter vers le nord et la Bolivie.

Le 14 aout, nous prenons les billets. Célestin a tenu à enregistrer lui-même son numéro de passeport avant de courir annoncer à tous ceux qui prenais l’apéro dehors : « ça y’est, on a pris les billets !!! » (Miracle !!)

Maintenant, il s’agit de rejoindre Paris et son aéroport depuis la Lozère où nous sommes. Une vague de chaleur s’annonce… On choisit l’option ombre + rivières. Ce sera le canal du Nivernais que nous faisons pour la quatrième fois ! Mais avant, un peu de train jusqu’à Moulins avec une petite pause chez des amis à Vic-le-Comte. La mise en jambe est facile. Célestin comme Leïla avalent les kilomètres, 40 dans la matinée pour pouvoir se baigner tous les après-midis ! L’arrivée à Paris se fera en train depuis Sens. Facile !

Quelques jours chez le cousin à Pantin. Les enfants profitent du Parc de la Villette et de Paris-Plage pendant que les adultes se demandent comment amener vélos + grands cartons à l’aéroport…

 

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