Mercredi 14 février. Ça y’est c’est le départ, le vrai, sur la fameuse Carretera Austral. Le ripio est plutôt bon. Ça monte, ça descend, Leïla avance doucement, mais avec un grand sourire ! Nous commençons à croiser des cyclos. Et nous arrêtons pour la nuit près d’un refuge pour voyageur : une cabane ouverte avec de nombreux mots écrits sur le mur, comme souvent. L’un d’eux attire notre attention : « Cyclotherapy ». Le leitmotiv de cyclos espagnols rencontrés à Tbilissi en 2009 !

Le lendemain nous croisons de plus en plus de cyclos, les pauses s’enchaînent, on ne peut pas s’empêcher de discuter ! Et on a du mal à avancer… Ce n’est pas grave, nous arrivons tout de même jusque chez Laura et Jorge, le neveu de Daniel. Ils s’occupent d’une partie d’un des terrains de la plus grosse fortune du Chili, Luksic. Celui-ci irait de Puerto Rio Bravo à Villa O’Higgins, soit toutes les terres bordant la route sur près de 100km… Des superficies qui avec nos yeux d’européens nous semblent surréalistes ! Laura me demande si j’aimerai vivre ici. Elle s’ennuie. Vivre au village ça irait, mais ici, au milieu de rien, elle en a marre. Argentins, ils sont arrivés dans la région un peu par hasard. Un voyage, le camion qui casse, la pandémie qui ferme les frontières, obligés de trouver du boulot ici, et depuis ils sont restés. La paye est bonne et c’est le bazar en Argentine, alors autant profiter de la Patagonie…

Au-revoir rapide pour aller attraper notre premier ferry de la Carretera Austral. De l’autre côté du bras du fjord, une petite côte à la chilienne nous attend… Pavée sur une partie tellement raide que sinon la route partirait à chaque pluie… Une voix derrière moi « Maman, arrête-toi, j’ai un vrai problème. Je suis sur la 1 et la chaîne est sur la 3 ». La gaine du câble de dérailleur de Célestin vient de lâcher, au mauvais moment… Flo répare, puis on reprend la cote. Ça râle. « Mais il est ou le col ?? « , « De toute façon sur la carretera austral y’en a 1.000 des cols, ça sera toujours celui d’après !! « , « on veut gouteeerrrr ». Que l’on se rassure, le soir, une fois posés au bord de la rivière, les énergies sont vite revenues pour se lancer dans un grand chantier de construction !!

Samedi 17 février. Nous prenons la direction de Caleta Tortel, sous la pluie, sinon ça manquerait de typicité… Caleta Tortel, petit village sur pilotis en bord de fjord. Les premiers habitants s’y sont installés pour vivre de l’exploitation du bois. Il y a dû y avoir également de la pêche au vu des épaves de bateaux sur les rives. Un peu de tourisme aujourd’hui, mais la vie ne doit pas être simple, ne serait-ce que pour faire les courses ! Il faut être costaud pour changer la bouteille de gaz quand on habite à l’autre bout du village ! Nous passons la nuit au bord du rio Baker. Flo plante des petits bouts de bois pour vérifier que l’eau ne monte pas, en souvenir d’un réveil assez épique au bord du même fleuve (l’eau était alors montée dans la nuit suite à la rupture d’un barrage naturel et au petit matin nous nous étions retrouvés complètement entourés d’eau!).

Nous continuons la route. Les paysages sont grandioses. Grands par leur taille, grands par ce qu’ils donnent à voir et à ressentir. Montagnes, glaciers, lacs et rivières aux eaux turquoises. Célestin sort souvent la canne à pêche, mais ce qu’il préfère c’est construire des moyens pour pêcher avec fils, bouchons, bout de canette, etc… ! Peu avant Cochrane nous nous faisons rattraper par Sophie et Nico, deux jeunes français sur la route entre Alaska, Canada, USA et Patagonie, puis par Laure et François. Décidément que de français ici ! Pause pique-nique. Au passage d’une voiture Leïla s’exclame « Lento, wewon !  » (en français : doucement couillon!), elle voulait dire « Lento, hay huemul  » (doucement, il y a des huemuls (petits cervidés patagons).) Nous avons tous trouvé son erreur fort à propos…

21 février. Cochrane. Petite pause. Douche, lessive et école. A l’épicerie du village, les trailleuses et ponchos côtoient les avocats et les baskets fluo. On y trouve de tout! Leila y achète ses premiers bonbons (en espagnol). De retour au camping, elle les distribue aux cyclos. N’en ayant pas assez, elle fait tirer tout le monde à la courte paille. Au musée de la ville, un panneau explique la disparition des Tehuelcheces : maladie, génocide, acculturation. Enfin les mots sont écrits!

Nous partons pour un petit tour à pied sur les hauteurs du Rio Cochrane. Au camping à l’entrée du parc, un cyclo chilien nous interpelle : vous êtes LA famille française? Vous savez que tout le monde vous cherche sur internet? Et le voilà à nous montrer le groupe facebook de la carretera austral où les gens se donnent des nouvelles de nous. À notre insu! Certains savent peut-être mieux que nous où nous sommes! L’utile de la chose, c’est que lorsque qu’il nous demande si nous avons un message à faire passer, nous répondons : “dire aux automobilistes de ralentir quand ils voient des cyclistes”. Et ça fonctionne! Dans les jours qui suivent nous nous rendons compte que les gens ralentissent et nous saluent! Ça nous fait rire et ce n’est ma foi pas déplaisant. Après ce petit intermède, nous partons à la recherche des huemuls le long de la rivière Cochrane. Du plus petit des cervidés, nous ne verrons rien, du dénivelé, nous ferons, et de belles vue sur la rivière aux eaux turquoises, nous aurons!

24 février. Nous reprenons la route. Ça monte, ça descend, au milieu des glaciers, de rivières aux bleus toujours incroyables. Le ripio est plutôt bon, mais que de poussière! Les cyclos disparaissent dans des nuages trop minérales. Ça nous épuise. Tous. Vivement la pluie pour faire descendre tout ça!

Et puis c’est le temps d’une petite pause vertaco… Julie, Nacho et leurs enfants, de la vallée d’à côté de la nôtre, de Méaudre, sont en voyage sur les terres où ils ont vécues il y a quelques années. C’est drôle de se donner rendez-vous à l’autre bout du monde! Et c’est agréable de pouvoir passer du temps ensemble. Avec eux, nous partons sur les hauteurs de la vallée où nous campons, nous essayons d’aller pêcher lorsqu’un panneau nous barre la route : “ce lieu n’est pas disneyland, touristes vous n’êtes pas les bienvenus”, un piège photo nous filme. C’est assez violent. D’autant plus que nous sommes sur une piste publique… Le propriétaire, suisse, s’est un peu trop bien approprié le concept de propriété privée à la chilienne, bien loin de notre conception de la montagne libre… Qu’importe, nous faisons demi-tour et allons pêcher ailleurs. Célestin en profite pour en apprendre un peu plus sur la pêche à la mouche, mais n’a pas plus de succès…

27 février. En route pour Puerto Rio Tranquilo. Nouvelle petite pause tranquille. Camping au milieu des poules. Nous allons voir les cathédrales de marbres en kayak. Belles lumières matinales sur le lac et ces drôles de formations rocheuses. Florent renoue pour deux heures avec ses anciens amours. Les réflexes reviennent vite. Notre guide, en le regardant faire, s’essaye à la godille. Ce n’est pas très concluant…

Nous rencontrons, enfin, une autre famille française à vélo dont nous entendons parler depuis longtemps : Eleonor, Christophe, Mael et Lilia sont musiciens et voyagent… avec leurs instruments bien sur !: un (petit) violon, un trombone (d’étude en plastique), un violoncelle et un piano. Ils nous font bien rêver avec leurs projets de musique en montagne! (https://www.lesconcertsenbalade.com/)

1er mars. Retour sur la route. Le vent se lève, le ripio devient plus difficile, la poussière est toujours là, jusqu’à ce que la pluie arrive. C’est bien, moins de poussière. Mais ça mouille, et ça caille vite! Campement sous les arbres au bord de la rivière. Tout le monde se réfugie sous la tente pour manger. Réveil sous la pluie, il a neigé sur les montagnes qui nous entourent… Célestin nous fait visiter son exposition de dessins au sol. La visite était prévue à vélo, mais comme il y avait trop de virages serrés, nous la parcourons à pied. Départ. Nous allons demander de l’eau aux cabañas un peu plus loin. En voyant l’immense pré entouré de montagnes, les enfants se verraient bien vivre ici. Leïla y faire son camping à la ferme. Célestin précise que ce soit à la condition que les copains habitent à côté… sachant que la première habitation est à 20km, ça semble compromis. Dans le calme de la vallée, le porte-bagage avant de Flo casse, celui qui avait déjà une jambe de bois… Le vent se lève, de face, nous avions oublié ce que c’était, mais il reste gentil. Petit colu. Dans la descente, Leïla freine, mais ne s’arrête pas. Coup d’œil à une voiture qui la double, elle manque le virage, passe la zone de gravier, la flaque, la terre, visage à 10 cm d’un panneau et finit sa course dans l’herbe, sur ses deux roues. Championne de la maniabilité! Quelques kilomètres plus loin, nous reconnaissons le tronçon où je me suis faite renverser il y a 12 ans. Il y a désormais un des rares panneaux “Reduzcar velocidad” et du bien meilleur ripio. Mais ce doit être un hasard…

3 mars : fin du ripio. Houhou!! Nous arrivons en ville. Cerro Castillo. Gros bourg pas vraiment touristique, pas vraiment vivant, venté, mais coloré, étrange. Ce sera notre camp de base pour préparer notre petite traversée à pied du massif du même nom : Cerro Castillo.

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