Le lendemain soir, nous sommes rattrapés par Diego, cyclo belge. Il a fait dans la journée ce qui nous a pris deux jours. Les enfants sont impressionnés ! Il a prévu de rejoindre Pucón en un jour, alors que nous en prévoyons quatre… Bon, nous n’avons pas planifié la même route. Il doit prendre la plus courte, goudronnée, nous nous offrons la piste dans la montagne… Nous passons la soirée ensemble. Le matin, il repart avant nous. Nous le retrouvons l’après-midi au bord du lac Colico. Interrogation. Il avait finalement opté pour ce qu’il pensait être notre plan : un raccourci à travers la montagne. Mais pas du tout, ce que nous avons prévu c’est le loooonnnng détour par la vallée à l’est. Le raccourci qui apparaît sur certaine carte, nous avions bien vu que ce ne devait être qu’un sentier peu praticable a vélo ! Effectivement, il y a été, a tenté, a renoncé. Un pick-up passe à notre niveau. Il l’arrête et met son vélo dans le coffre, espérant toujours rejoindre Pucón le soir même. Les enfants sont estomaqués « C’est facile. T’arrête une voiture. Tu demandes et hop elle t’emmène ! Mais pourquoi on fait pas ça ???? «
Colico. Les enfants sont supers motivés pour se baigner dans le lac. Ok, mais c’est aussi pour se laver. Ils mettent un orteil, deux, et décident que non, pas de baignade aujourd’hui et pas de douches non plus ! Trop froid. Allala, tout ça c’est affaire de technique les gars :
1. Se mouiller d’abord les jambes. Sortir de l’eau. Se savonner.
2. Mouiller le haut du corps. Sortir de l’eau. Se savonner.
3. Profiter de la minute ou le corps est anesthésié par le froid pour se mettre entièrement dans l’eau et se rincer.
4. Pour finir, sortir, se sécher et s’habiller chaudement avant que l’anesthésie prenne fin !
Ah, oui, et avant tout ça, trouver un endroit le plus possible à l’abri du vent et mettre ses affaires à l’abri de la pluie…
Réveil sous un ciel bien chargé. Nous voyons les averses arriver par l’ouest du lac. Le vent nous pousse vers l’est. C’est de bonne augure car c’est aussi plat au bord du lac qu’au bord de l’océan… La piste s’éloigne de l’eau pour contourner les résidences secondaires cossues, rejoindre des hameaux perdus. Deux écoles, une privée, une publique, mais où sont les habitants ??
A midi les vaches nous regardent faire une pause. Nous sommes « seulement » au bout du lac, alors que nous avons dû faire le dénivelé estimé pour la journée, les 600m pour atteindre le col. Il pleut. Le vent forci. Il fait froid. C’est reparti. On attaque la côte, la vraie. Cette fois ça monte direct, raide, pas de descente. Ça devient plus plat. Le col ? Non, ça monte toujours. Il fait de plus en plus froid. Nous nous rhabillons, mettons tout ce que nous avons quitté dans la montée. Un pull, deux pulls, doudoune, bonnet, gants. Une femme, derrière la vitre d’une cabane perdue, nous regarde passer. Nous sommes frigorifiés. Les mains, les pieds sont gelés. Très difficile à réchauffer. Ça craque. Ça pleure. Pause goûter. Tartine au miel. Ça réchauffe le cœur. Un peu. Mais pas le corps. Bouger, courir, garder le rythme, avoir de l’énergie pour quatre. Repartir. Ça y’est la rivière coule enfin dans l’autre sens. Nous avons changé de bassin versant. Descendre, gagner des degrés avant la nuit. Nous nous mettons à couvert sous les arbres. Les enfants ont retrouvé le sourire. Ouf! C’est parti pour une cession cabane en attendant le repas.
Le lendemain, petite balade dans la forêt aux sorcières. Les arbres ont encore leurs tenues hivernales, sans feuilles, mais sont couverts de lichen, les « barbas de viejo « . Puis nous descendons dans la vallée. Quelques belles côtes quand même, car comme dit Leila « Quand ça monte, ça monte, quand ça descend, ça monte encore ! « . Un gaucho inspecte ses clôtures à cheval. Une épicerie ambulante ravitaille les fermes perdues sur les hauteurs. Petit à petit la vallée se peuple. Ce bout du monde qui nous semblait un poil lugubre sous le ciel gris hier, nous apparaît bien plus rieur aujourd’hui. Les attelages de bœufs sont aux travaux dans les champs. Les enfants empruntent des passerelles suspendues pour rentrer de l’école. Deux cavaliers tirent un cochon en laisse. Nous posons la tente dans le gymnase du collège. Où sont nos enfants ? Dehors, assis cote a cote, absorbés dans la contemplation du ciel étoilé.